Expérience en kayak de mer vécue et racontée par une journaliste
Un drôle de bateau pour parler aux oiseaux

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Gardien séculaire de la côte sauvage de la presqu’île de Quiberon, le Fort Penthièvre dresse ses murailles grises sur un ciel d’azur. Non loin de là, la petite plage de Saint-Joseph de l’Océan accueille les élèves d’une école particulière, ouverte été comme hiver: l’école de kayak de mer de Saint-Pierre Quiberon, SILLAGES.

Dimanche ler septembre. Nous sommes trois, prêts à nous lancer dans ce qui paraît être une véritable aventure : affronter le Grand Océan dans un frêle kayak. C’est jour de grande marée. Les flots se sont retirés plus loin que d’habitude et le paysage est superbe. La mer est calme, presque lisse. « Les conditions sont idéales pour un début, assure Éric, le moniteur. De toutes façons, vous allez voir: c’est bien plus facile qu’on ne le croit. Vous allez très vite vous sentir à l’aise. » Les kayaks pèsent une vingtaine de kilos. On les porte – assez facilement – au ras de l’eau. Avant d’embarquer : premiers rudiments. On apprend à se glisser, jambes tendues, dans la fine embarcation, bien caler son dos au dosseret, régler ses cale-pieds. Puis, trois pagaies s’agitent en l’air sur les recommandations d’Éric.

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Leçon n°1 : l’attraper dans le bon sens

Leçon n°2 : rendre automatique le petit coup de poignet, façon motard, qui fait pivoter la pagaie d’un quart de tour entre chaque plongée. Pour offrir la moindre résistance à l’air, les deux pales, en effet, ne sont pas sur le même plan.

Leçon n°3 : virage à droite, virage à gauche et marche arrière.

Prêts ? On enfile la jupette, providence du kayakiste. Un élastique en haut qui se resserre sous les bras, un élastique en bas que l’on fixe en un clin d’oeil tout autour de l’orifice du kayak,une fois qu’on a pris place. Avec ça, à moins d’un véritable roulé-boulé dans les déferlantes, pas une goutte ne passe. Un gilet de sauvetage par là-dessus, une petite poussée des mains pour faire glisser le kayak jusqu’à la flottaison, et c’est parti !

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Miracle… Je m’attendais à rouler de droite et de gauche, et le bateau file droit, étonnamment vite, étonnamment stable. Éric nous fait faire quelques virées, surveille constamment la position de nos mains et corrige nos mouvements : bien dérouler le bras supérieur, aller chercher l’eau loin devant… Comme au ski, mieux vaut prendre tout de suite de bonnes habitudes.
La côte sauvage de Quiberon, l’un des plus beaux sites marins au monde, s’offre à nous. Déjà, on frôle le premier caillou. L’eau est d’une limpidité de cristal. Juste sous la surface ondulent les longues et larges feuilles de laminaires extraordinaires. Des algues qui n’arrivent pas jusqu’à la côte. Par endroit, la roche semble elle aussi affleurer.. et on se surprend à passer ! Avec 20 cm de tirant d’eau, on peut se permettre beaucoup de choses.

Jamais je n’ai vu le littoral sous cet angle. Du haut de la falaise, on domine les rochers du regard. Au ras de l’eau, quelle différence ! Certains se dressent tels des murailles d’un gris doré, étincelants sous les rayons du soleil, quadrillés de plis profonds, noircis à la base de véritables tapis de moules en rangs serrés. Plus loin, ce sont les pouces-pieds qui s’agrippent à la paroi rocheuse. Ces étranges crustacés, rares, inaccessibles, et de ce fait particulièrement recherchés , n’élisent domicile que sur les falaises battues par les vagues.

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On glisse en silence entre les récifs. C’est à peine si l’on entend le ploc… ploc… des pagaies qui attaquent la surface de l’eau. Insuffisant en tous cas pour troubler les goélands perchés ici et là. On leur passe littéralement sous le bec, ils nous contemplent de leur oeil rond, sans broncher. On assiste à leur partie de pêche : quelques étoiles de mer en feront les frais. Nous sommes manifestement de placides animaux marins, bien connus et inoffensifs, qui ne leur disputent même pas leur proie. Aucun autre engin flottant ne vous procure cette sensation magique de faire corps avec l’embarcation.
Vous êtes poisson, ou sirène… Vous ne pesez rien. Vous vous fondez à la nature.

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Le temps passe vite, trop vite. Il faut songer à rentrer. Avec la marée montante, les vagues se sont levées. Ce coup ci, je doute fort d’échapper au dessalage. Qu’importe! Je suis scrupuleusement les conseils d’Éric : toujours attaquer la vague de front en pagayant vigoureusement… et l’étrave affûtée de mon beau kayak fend la vague et la franchit sans encombre, sans même une éclaboussure. Seuls les coups de pagaie farceurs d’Éric, qui trouve ses débutants décidément trop secs, réussiront à nous mouiller! On se rapproche du joli port naturel de Portivy.

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Au loin, derrière le Fort Penthièvre, s’étire l’interminable cordon lumineux que forment les plages de Plouharnel et d’Erdeven. Avant de rejoindre notre crique de départ, cap sur Karreg Lagalas, un îlot rocheux baigné de soleil, qui résonne de chants d’oiseaux marins. Plumage noir et blanc, long bec jaune légèrement recourbé : c’est une magnifique colonie d’huîtriers pies !

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La balade a duré trois heures. Certes, on sent un peu ses épaules, mais les yeux ont fait le plein d’images fabuleuses, et les poumons ont fait le plein d’iode.
Nous n’avons tous qu’une idée en tête : RECOMMENCER !